1901-1925
1901-1925
Enfance et envol
Consuelo de Saint Exupéry est née le 10 avril 1901 en Amérique Centrale, à Armenia, une petite ville d’El Salvador se trouvant à la frontière du Guatemala. Une terre contrastée qui tremble au gré des caprices telluriques et fait pousser les roses et les caféiers sur les pentes de ses volcans caractériels. Svelte, Consuelo ressemble à sa mère Hercilia Sandoval, originaire du Guatamala, mais possède le regard vif et curieux de son père le colonel Suncin. Dès son enfance dans son « vert paradis », Consuelo formule un souhait celui de devenir « Reine d’un pays lointain ».
Après avoir terminé ses études primaires et secondaires Consuelo obtient une bourse et quitte El Salvador pour se rendre au Etats Unis et entreprendre des études supérieures notamment à l’Académie des Beaux-Arts de San Francisco.
Au début des années vingt Consuelo se rend à Mexico où un premier mariage éclair lui offre la majorité, sésame vers la liberté ! José Vasconcelos Calderón, grand écrivain mexicain et fondateur du Secrétariat de l’Education Publique de son pays lui présente Diego Rivera. Le peintre qui veut perpétuer les traditions de la couleur et des formes des muralistes indigènes crée un mouvement spécifique à l’Ecole préparatoire de Mexico. Consuelo abreuve sa palette auprès de ce maître incontesté de la couleur. Cet enseignement, elle ne l’oubliera jamais et il ressurgira à chaque époque de sa vie. Il lui suffira alors de laisser parler son cœur et ses origines et de saisir les pinceaux. Des années plus tard Pablo Picasso l’incitera fortement à continuer dans cette voie qui lui ressemble.
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Entrée dans le monde artiste et intellectuel
A la fin des années 20, Consuelo s’envole pour Paris. La capitale raffole de tout ce qui est hispanique et sud-américain, et c’est là qu’elle rencontre, grâce au peintre Kees van Dongen, le plus parisien des sud-américains : Enrique Gomez Carrillo, écrivain, correspondant de presse, Consul de la république d’Argentine en France, Chevalier de la Légion d’Honneur. Enrique côtoie tout ce que l’Europe compte de célébrités. Il est l’ami de Maurice Maeterlinck, de Paul Verlaine, d’Oscar Wilde, d’Anatole France et de Colette. Et puis aussi des peintres fameux de Montparnasse : Modigliani, Foujita et Van Dongen surtout.
Amoureux passionnés, Enrique et Consuelo se marient en 1927. Heureuse, Consuelo savoure cette lune de miel qui ne durera pas. Enrique meurt en 1928 laissant une veuve accablée de chagrin qui regrette d’avoir passé aussi peu de temps avec lui. Consuelo fait d’El Mirador leur « petite maison de Nice » son refuge. Inspirée par les lumières et les couleurs du pays niçois, Consuelo avait d’ailleurs repris des études de sculpture aux beaux-arts de Nice. À cette époque elle rencontre le sculpteur Aristide Maillol dont la notoriété est immense. Si Diego Rivera lui avait donné les clés de « La Couleur » en peinture, Maillol lui révèle les bases incontournables et les secrets de la sculpture. Consuelo n’abandonnera jamais cet Art Majeur. Elle sculptera notamment des bustes, statues et médaillons de son mari Antoine de Saint Exupéry dont un est exposé au square Pierre de Gaulle dans le 7ème arrondissement de Paris. Beaucoup plus tard elle va aussi se lier d’amitié avec le sculpteur Boris LOVET LORSKI avec qui elle partage cette passion de la sculpture.
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Vers l’aventure et
un destin incertain
Le 15 août 1929 à l’invitation du président argentin Hipolito Irigoyen, ami de son défunt mari, Consuelo embarque sur le Massilia. Pour tromper la langueur des longues journées de traversée, Consuelo se lie d’amitié avec la délégation d’intellectuels français qui l’accompagne. Parmi eux l’écrivain Benjamin Crémieux qui lui parle d’Antoine de Saint Exupéry. Il veut absolument présenter à Consuelo le Chef d’Escale de la Compagnie « AEROPOSTA ARGENTINA ».
Puisqu’ils n’ont rien d’ordinaire, leur rencontre ne le sera pas ! Ainsi si Benjamin Crémieux s’imaginait les présenter dans les salons des Amigos del Arte de Buenos Aires, c’est au vestiaire qu’Antoine de Saint Exupéry s’arrête, interdit, devant la beauté de Consuelo. Antoine de Saint Exupéry est tout de suite charmé par cette jolie étrangère qui lui parle dans un français exotique. Il y a en elle une telle promesse d’aventure et de poésie qu’il l’invite aussitôt à voler au-dessus de Buenos Aires. Ils s’envolent. La carlingue est secouée, la promenade s’apparente à de la haute voltige. Antoine de Saint Exupéry demande à Consuelo de l’embrasser, ce qu’elle refuse. Il lui demande de l’épouser, ce qu’elle refuse aussi. Et pourtant … Le 22 avril à la mairie de Nice, le maire les déclare mari et femme. Les cloches de l’église d’Agay sonnent le lendemain, le 23 avril 1931.
C’est probablement dans le manque qu’ils s’aimeront le mieux, échangeant des lettres jusqu’à de la disparition d’Antoine de Saint Exupéry. Tandis qu’Antoine parcourt les airs, Consuelo s’inquiète : « J’ai toujours sur ma table une lettre pour toi, jamais finie jamais envoyée qui veut dire seulement que tu es présent bien près de moi. » Consuelo aime écrire. En 1932 Antoine remporte le Prix Femina pour son roman Vol de nuit. Leurs écrits les lient. Un personnage semble prendre vie sous la plume d’Antoine : une rose venue d’un pays lointain, tempétueux… Ainsi une décennie avant qu’Antoine de Saint Exupéry ne rédige son chef d’œuvre, le Petit Prince naissait dans leurs lettres.
Les années Trente se consument et Consuelo à Paris, se rapproche des surréalistes : Marcel Duchamp, Oscar Dominguez, André Breton, André Derain ou encore Max Ernst. Encouragée par Maillol, Consuelo qui n’a pas délaissé ses pinceaux, s’inscrit à l’Académie Ranson. Elle fait partie de l’Ecole de Paris. Journaliste à Radio Paris, Consuelo interview des personnalités. Elle posera par ailleurs dans une série de photos de mode, pour son ami Man Ray.
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D’Oppède à New York
Au début de la dernière guerre mondiale elle rejoint à Marseille la Villa Air Bel. Elle y retrouve ses amis artistes Victor Serge, Max ernst, André Breton, Mary James Gold et bien d’autres amis surréalistes, fuyant le régime pétainisme. Grâce au journaliste américain, Varian Fry, ces derniers, réfugiés juifs ou antinazis sont sauvés et partent aux Etats Unis. Consuelo rejoint ensuite un groupe d’étudiant des beaux-Arts à Oppède. Ce groupe, dirigé par l’architecte, grand prix de Rome, Bernard Zehrfuss, organise un réseau de résistance tout en continuant à faire des projets d’architecture.
En 1941 Antoine de Saint Exupéry supplie sa femme de venir le rejoindre à New York. Consuelo va réussir à prendre le dernier bateau partant de Lisbonne, quittant ainsi l’Europe pour le continent où elle est née.
En 1943, dans leur maison de Bevin House, tandis que Consuelo dessine des Petits Princes au féminin, Antoine relit les feuillets de ce conte qui sera sur les étals des librairies pour Noël. Au mois d’avril, Antoine se prépare à partir pour la Guerre. Le jour du départ Consuelo va rester prostrée les yeux rivés depuis son lit sur l’Hudson. Le 31 juillet 1944 Antoine ne revient pas à sa base, son avion disparait en Méditerranée. Personne n’en n’informe pour autant son épouse qui l’apprendra 10 jours plus tard en achetant le journal : « Saint Exupéry lost on flying mission »
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Une autre vie après
la disparition
Lorsqu’il disparait, Antoine de Saint Exupéry vient juste de publier Le Petit Prince dans lequel sa femme, Consuelo, est au cœur du conte sous la forme de la Rose. Désormais veuve, Consuelo reste à New York et traverse alors une époque difficile . Elle doit urgemment trouver du travail. Salvador Dali, qui est aussi à New York, lui propose alors de travailler dans le magasin Bloomingdale’s pour créer des vitrines. Consuelo va rester très liée avec Dali jusqu’à la fin de sa vie et passera souvent des vacances à CADAQUES chez le peintre et son épouse Galla. C’est pour Consuelo un temps consacré à la peinture et à l’amitié.
En 1946 Consuelo quitte les Etats Unis et rentre en France. Elle se plonge alors avec intensité dans la création de ses œuvres. Elle vit à Paris dans le septième arrondissement. Elle fait aussi l’acquisition d’un vieux Mas dans le Midi de la France où elle passe ses étés. Elle fréquente alors l’artiste Pablo Picasso qui comme Diego Rivera lui conseille de ne pas quitter son mode d’expression liée à la couleur.
Au cours de cette deuxième et dernière partie de sa vie Consuelo va se consacrer de façon intense à son Art. Son art est toute sa vie, et sa vie gravite toujours dans l’art. Elle devient proche des artistes de la Fondation MAEGHT à Saint Paul de Vence ainsi que du peintre espagnol Miro et du sculpteur suisse Giacometti qu’elle retrouve fréquemment au restaurant de la Coupole à Paris.
Entre 1949 et 1978, un éventail d’expositions se déploie de Marseille à Cannes, de Paris à Cadaques, de Bruxelles à Saint-Paul de Vence où le public découvre la richesse de son talent exprimé dans ses différentes œuvres, tableaux, dessins et sculptures. Elle retournera même Outre Atlantique avec une cinquantaine de toiles qui seront exposées dans la galerie Hugo de New York.
Les dernières années de sa vie, Consuelo les consacrera aussi à la mémoire de son mari en France et dans le monde. En tant que veuve d’Antoine de Saint Exupéry, grand écrivain reconnu mort pour la France, elle assiste aux commémorations, inaugurations et aux célébrations qui lui sont consacrées. Elle est l’invitée d’honneur de l’Exposition Universelle de Montréal « Terre des Hommes » en 1967.
Artiste, femme libre et engagée, Consuelo ne s’est jamais contentée d’être seulement la femme de l’écrivain aviateur. Consuelo peignait, sculptait, écrivait et revendiquait cette liberté défendue tout au long de sa vie et qui à cette époque limitait l’existence des femmes. Du Salvador au Mexique puis de Paris à New York, Consuelo de Saint Exupéry a vécu intensément son rêve d’enfant celui d’être la reine d’un pays lointain. Celle qui fut la Rose d’une planète imaginaire, celle qui fut une artiste déterminée et une femme moderne citoyenne du Monde entier s’est envolée au matin du 28 mai 1979 à l’heure où la rosée se pose sur les roses…